L'attitude du soignant
Le névrosé peut être irritant, énervant ou au contraire laisser indifférent.
A l'opposé, la folie (psychose) est plutôt inquiétante.
L'anxieux hypocondriaque qui revient encore une fois aux urgences pour sa douleur thoracique pourra être accueilli avec plus ou moins d'irritation ou au contraire laisser totalement indifférent une équipe soignante affairée à prendre en charge de "véritables urgences".
L'attitude classique conseillée qui peut servir à nous guider est celle d'une neutralité bienveillante. Il est préférable d'éviter les attitudes de rejet mais à contrario, d'éviter aussi de se sentir trop touché ou trop concerné par la plainte du névrosé et d'accéder trop facilement à ses demandes dans l'espoir de le rassurer ou de le soulager.
La notion de bénéfices secondaires est souvent employée en pratique.
Elle est empruntée à la psychanalyse.
Le bénéfice primaire est inconscient, il correspondrait au fait que le symptôme névrotique est la réalisation d'un désir.
Le bénéfice secondaire est actuel, et correspond à tous les avantages que le malade obtient de sa maladie. Ces bénéfices pourraient ainsi participer au maintien du symptôme, le malade n'ayant plus intérêt à guérir.
Ces bénéfices secondaires peuvent être par exemple les attentions et la mobilisation de sa famille du fait de son hospitalisation, un arrêt de travail, son épouse plus attentive, etc.
Le sentiment que le malade vient à la fois se plaindre d'un symptôme tout en semblant nous dire surtout ne m'améliorez pas, je suis bien comme cela, peut en pratique susciter des réactions soignantes d'irritabilité ou d'agressivité mal contrôlées.
Il est préférable de rester prudent et d'agir avec doigté lorsqu'on est confronté à un symptôme névrotique.
Les interprétations hâtives et un peu agressives sont à éviter.
Penser percevoir un bénéfice secondaire et s'autoriser une remarque de type : « cela vous arrange bien de ne pas pouvoir travailler » est plutôt déplacée.
Ce genre d'interprétations est le plus souvent inutile et peut volontiers détériorer la relation soignant-soigné.
Il n'est pas toujours aisé de rester neutre.
L'attitude lisse et constante du professionnel soignant bienveillant peut être mise à mal.
Cet anxieux en pleine forme qui demande pour la dixième fois dans la nuit que soit vérifiée sa tension artérielle alors que sa voisine de chambre justifie la mise en route urgente d'une réanimation peut légitimement provoquer une réaction un peu sèche teintée d'une fermeté agressive .
Les malades peuvent susciter des émotions.
Qu'elles soient agressives ou plutôt le contraire, il faut garder une certaine distance avec ces émotions, les observer en quelque sorte, afin d'éviter trop de réactions émotionnelles exagérées.
Ne pas croire savoir Les études scientifiques, épidémiologiques, la littérature psychologique, offrent de nombreuses hypothèses sur la genèse des troubles névrotiques.
Des facteurs sont parfois retenus comme favorisant l'apparition d'un tableau clinique.
Des études avancent dans certains cas le rôle d'événements dans l'enfance, des particularités de l'histoire familiale (rupture, divorce, etc.), des modes et des "hygiènes" de vie (sédentarité, alimentation, activité sportive, vie affective, etc.).
Il n'y a aucun résultat définitif et utilisable en pratique.
Il est vain de croire que la pratique d'une activité sportive amendera la symptomatologie phobique de celui-ci et qu'une alimentation plus régulière et mieux équilibrée avec une "vie sentimentale heureuse" calmera les crises d'angoisse de celle-ci.
Il est naïf et prétentieux de croire savoir que l'éloignement de ce jeune homme de sa mère "envahissante" garantira une amélioration de son tableau clinique.
Il faut se méfier de la tentation de donner des conseils en croyant savoir ce qu'il faut faire alors qu'en fait il s'agit souvent de faire la morale en se réfugiant derrière un pseudo-savoir.
Il est préférable aussi de ne pas prendre pour argent comptant le récit explicatif du névrosé.
Il pourra ainsi par exemple mettre en avant telle ou telle particularité de son histoire, de son enfance ou de sa situation actuelle (« je ne connais pas mon vrai père », « j'ai été placé parce que mes parents étaient alcooliques », « je suis harcelé à mon travail, « mon mari a une maîtresse », etc.).
Le point de vue du patient est à respecter mais il convient de garder une neutralité sur la cause de ses troubles qu'il peut proposer. Attention aux « bons conseils »
Le plus souvent, les conseils évidents ou les jugements moraux formulés par un soignant ne changeront pas la situation du patient.
Le plus souvent, ces conseils ont déjà maintes et maintes fois été donnés par l'entourage et le patient lui-même tente déjà vainement de se les appliquer.
Par exemple : Dire à un phobique que les souris ne sont pas dangereuses, ou que les vols d'avion sont plus sûr que les trajets automobiles.
Dire à un obsessionnel que ses mains sont propres et qu'à trop les nettoyer, il va au contraire finir par les abîmer.
Dire à l'anxieux qu'il n'a rien et qu'il est inutile de s'inquiéter.
Culpabiliser le névrosé parce qu'il rend infernale la vie de son couple.
Croire qu'avec un peu de bonne volonté et d'effort il pourrait s'améliorer, etc.
Mars 2005 © Serge Delègue Contenu disponible sous GNU Free Documentation License.