Le désir ne meurt pas avec l’âge, et heureusement !
Cette vérité, les familles et les collaborateurs en EHPAD ont parfois du mal à l’admettre. Entre tabou et réalité, un sujet qui dérange.
Les soignants en institution pour personnes âgées sont confrontés très régulièrement à la problématique de la sexualité chez les personnes âgées, et se sentent particulièrement désemparées.
Il semble donc important de décrypter l’évolution de la sexualité chez les personnes âgées, pour savoir comment se positionner en tant que soignant.
- La vie affective est-elle encore possible en EHPAD?
- Quels sont les effets du vieillissement sur la vie sexuelle ?
- Quelle intimité pour les résidents ?
- Comment comprendre le désir sexuel chez un résident atteint d’une maladie démentielle ?
- Que doivent, que peuvent faire les soignants ?
la vie affective est-elle encore possible en EHPAD?
Les besoins sexuels ne disparaissent pas au fil des ans : ils diminuent, en intensité ou en fréquence, mais peuvent s’exprimer à tout âge... même très avancé.
"La sexualité peut exister jusqu’au bout de la vie. C’est quelque chose de tout à fait normal, qui manifeste que la pulsion de vie est encore présente. Ce qui est plutôt positif", car la vie continue en EHPAD.
Comprendre et gérer la sexualité en EHPAD
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D’après certaines études menées aux Etats-Unis, 8 % des résidents en maison de retraite ou autres établissements d’accueil seraient sexuellement actifs.
Et en France ? pas de chiffre à ce jours .Pas facile cependant pour ces résidents de vivre une sexualité épanouie dans une institution. Les besoins sexuels des personnes âgées viennent bousculer les images que chacun, y compris parmi les soignants, se forge de la vieillesse. Les différentes manifestations de leur sexualité (relation de couple, hétérosexuelle ou homosexuelle, masturbation) posent donc souvent problème au personnel qui ne sait pas comment réagir et manque de formation sur la question
La question de la vie affective des personnes âgées en établissement doit être évoquée en équipe. Pour trouver le savant dosage entre respect de l’intimité et sécurité des personnes.
L’âge ne gomme ni le désir, ni l’envie de plaire. Il n’est donc pas rare qu’en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des relations se nouent entre résidants, que des sentiments naissent et se concrétisent par un rapprochement physique.
Une situation parfois délicate à gérer pour le personnel. Plutôt que de la nier, il faut en parler ouvertement. lever les préjugés. Oui, un homme de 80 ans peut encore avoir une érection, et une femme du même âge une libido débordante. Même s’il arrive fréquemment que la maladie ou la fatigue des résidants freinent, voire empêchent la sexualité. C’est le cas notamment pour les personnes qui souffrent de cancer de la prostate, ou de diabète.
Une fois admise l’idée que la vie affective perdure même entre les murs de la maison de retraite, il faut ensuite organiser le service pour la respecter.
Préserver des espaces d’intimité
Qu’ils entrent ensemble en maison de retraite ou qu’ils se forment au sein de l’établissement, les couples ne disposent que très rarement de chambres équipées de lits doubles. Ceci pour des raisons techniques ou médicales (les lits sont souvent des lits médicalisés), voire d’organisation ou de gestion des établissements (les chambres doubles sont plus difficiles à remplir…).
Cette absence de "lit conjugal" pousse parfois les résidents à utiliser les parties communes pour leurs retrouvailles, au risque de choquer l’entourage, les autres résidents ou le personnel. "Mais ils n’ont pas d’autres choix".
Le droit à l’intimité dans les Ehpad est rappelé noir sur blanc dans la charte des droits et liberté de la personne âgée dépendante. Cette intimité qui inclut la sexualité.
L’article 4 dispose qu’une personne âgée « doit être protégée des actions visant à la séparer d’un tiers avec qui, de façon mutuellement consentie, elle entretient ou souhaite avoir une relation intime. » Le personnel n’a donc pas le droit de s’y opposer et doit même tout faire pour défendre leur intimité.
Une obligation qui se heurte souvent aux contraintes médicales et organisationnelles dans les Ehpad. En effet, pour des raisons de sécurité par exemple, les résidants ne disposent pas toujours de chambres fermant à clé.
Pour éviter ce type de situation inconfortable, il faut préserver au maximum les espaces privés comme les chambres: frapper à la porte et attendre la réponse avant de pénétrer dans la pièce. Et même, quand l’organisation du service le permet, aménager des chambres doubles. « Regrouper deux lits dans une seule pièce n’est pas toujours techniquement possible, notamment quand il s’agit de lits médicalisés
Protéger les résidants
Trop souvent, la famille, et non la personne elle-même, devient l’interlocuteur privilégié de l’équipe, même dans les questions liées aux relations intimes. Or, la sexualité des parents ne regarde pas les enfants. Ils n’ont pas à s’en mêler.
Une difficulté pourtant surgit lorsque l’un des deux partenaires est atteint de maladie d’Alzheimer ou d’un trouble apparenté. "Rien ne permet d’affirmer que ces malades ont du désir, mais rien ne permet non plus d’affirmer qu’ils n’en ont plus. Nous touchons là à un droit de tout être humain". Lorsque se noue une relation entre une personne "lucide" et une personne malade, l’équipe doit alors évaluer si cette relation est subie ou non, si elle a ou non des répercussions néfastes. Une tâche ardue qui demande respect et délicatesse.
La sexualité est un droit acquis pour les personnes accueillies, à condition que les relations soient consenties par les deux parties. Et la question de l’accord mutuel pose parfois des problèmes, notamment lorsqu’un membre du couple n’a plus tout son discernement. Dans ce cas, il faut s’assurer que l’assentiment est réel et non pas forcé. Cela se fait en général par le dialogue, l’observation des comportements (repli sur soi, réaction agressive au cours de la toilette).
Que doivent ,que peuvent faire les soignants
Pour les cas les plus graves comme les malades d’Alzheimer, il peut être opportun d’informer la personne référente, pour qu’elle donne son avis sur la relation. « En revanche, il n’est pas souhaitable de mêler la famille à la question . Les proches n’ont pas à avoir un quelconque droit de regard sur la relation. C’est à l’établissement de prendre ses responsabilités, pas aux enfants de décider de la sexualité de leurs parents. »
« Il faut savoir poser des limites, surtout quand la sexualité des résidants prend un aspect pathologique: exhibitionnisme, masturbation compulsive... Il arrive également que l’objet de leur désir se porte sur le personnel soignant. Lors de la toilette par exemple, nous sommes parfois confrontées à des réactions gênantes (érections, “mains baladeuses”). Dans ce cas, il faut remettre la distance nécessaire en expliquant clairement au résidant ce que l’on fait: des soins, et non pas des caresses. Dans les cas les plus poussés, il vaut mieux y aller à plusieurs: une personne fait les soins, tandis que l’autre empêche toute velléité d’avoir des gestes déplacés.
Par Mehdi Achour
Medecin coordonnateur EHPAD
mots clés :relations et affections dans les ehpad